Fune wo amu / The Great Passage

Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Matchoss » 11 Jan 2017 22:02

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Fiche Animéka

Synopsis

Aux éditions Genbu, le département des Dictionnaires périclite et le départ imminent de Kouhei Araki, l'un de ses membres les plus prestigieux, n'arrange rien. Ce dernier décide de trouver son digne successeur avant sa retraite. Ailleurs Mitsuya Majime, travaillant au Département des Ventes, se noie dans un océan de mots qu'il n'arrive pas à exprimer. Maladroit et quelque peu asocial, il vit seul avec son chat et des centaines de livres. Mais un jour, il est sollicité pat le secteur de Kouhei pour compiler une toute nouvelle encyclopédie, sous le nom du Great Passage, sensée marquer le millénaire et l'aider éventuellement à traverser cette vaste étendue sauvage de termes étrangers. Au côté du sympathique mais susceptible Masashi Nishioka, passionné de littérature très sociable, Majime va tenter de faire cette traversée pour trouver les mots justes afin de déclamer ses sentiments...

-Banshee-


Avis

Nous avons affaire à un très bon animé tranche de vie. Le sujet n'est pas très engageant au premier abord. Quoi, un anime sur la création d'un dictionnaire, c'est nul?! Mais, l'auteur arrive a trouvé de nombreux thèmes à partir de ce sujet au-delà du sujet principal. On y parle d'amitié, de la difficulté de s'exprimer, du monde du travail et de ses aspects impitoyables, des projets qui dure une vie, de l'importance des mots et de leurs significations et de tout un tas d'aspects de la vie. On est dans la définition même de l'animé tranche de vie. Tout y est très réaliste, que ce soit les personnages ou ce qui leur arrive.
C'est aussi un animé qui vous fait réfléchir, vous pousse à vous interroger. Je regrette tellement qu'il ne soit pas licencié en France pour voir un peu plus encore le travail fait sur le langage qui m'a étonnement intéressé.

L'anime n'a pas vraiment de gros défaut. Je trouve que l'opening ne colle pas bien avec l'ambiance de la série, mais c'est pas grave, on peut le sauter. De même que les interludes en milieu d'épisode qui sont assez déplacés. On a le droit a des scénettes dans lesquelles évoluent des bébés dictionnaires qui parlent entre eux pour nous en apprendre plus sur les dictionnaires. Sauf que s'adressent à des enfants de 7-8 ans au mieux vu qu'on y apprend pas grand chose et que le ton est très enfantin. Je ne comprends pas ce que cela vient faire dans cet anime plutôt mature. Mais, on peut le zapper.
Sinon, j'ai trouvé assez bizarre la petite ellipse en milieu de série. Elle n'est pas trè bien amené et casse un peu la dynamique. Au bout de deux épisodes, on y pense plus, mais j'aurais préféré une transition plus en douceur pour que l'on ressente plus le passage du temps.

Bref, c'est un très bon anime tranche de vie que je recommande. Comme toujours, dans ce genre, le rythme peut sembler un peu lent, mais cela convient bien au sujet. Créer un dictionnaire depuis rien est le travail d'une vie.

Edit : et on y présente aussi la plus longue lettre d'amour que je n'ai jamais vu.
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Drizztou » 12 Jan 2017 01:00

Je l'ai vu cette semaine et même si le sujet paye pas de mine au premier abord, j'ai beaucoup aimé aussi.

Si je devais lancer une comparaison, c'est très proche de Shirobako pour le cadre professionnel choisi et le réalisme, mais en beaucoup plus convaincant. Shirobako avait comme défauts d'être trop centré sur le travail (et pas assez sur les personnages qui se retrouvaient limités à leur rôle professionnel) et d'en montrer même tous les aspects les plus rébarbatifs ou négatifs (comme les problèmes organisationnels, la pression des délais ou les possibles mauvaises relations de travail par exemple). Le cadre aussi ne se limitait quasiment qu'à l'environnement de travail, on voyait rarement les personnages en dehors.
Du coup, fallait pas regarder Shirobako pour voir une bonne œuvre mais pour en savoir plus sur le milieu de l'animation et tout le processus de création d'un anime, de manière plus ou moins ludique :roll:, c'est ça le problème. Autant mater un documentaire, pour le coup, on en apprendrait plus.

Fune Wo Amu au contraire est plus proche de ce que l'on peut attendre d'un bon tranche de vie. L'anime montre les tâches des différents protagonistes dans le cadre de leur travail, mais ne s'étend pas là dessus. On apprend pas mal de choses sur les dictionnaires sans pour autant que ça empiète sur autre chose. L'anime s'attache avant tout à valoriser la passion animant les personnages, nous les faire connaitre, montrer leur quotidien à la fois professionnel et humain et à véhiculer une ambiance bienveillante mais pas naïve pour autant. L'attachement envers les personnages sera une passerelle d'autant plus solide pour nous intéresser à leur travail.
On est face à la beauté d'une vocation, d'un travail qui prendra toute une vie pour les différents protagonistes, dont le fruit est destiné à aider des centaines de milliers de personnes et passer à la postérité.

J'ai trouvé les personnages attachants. J'ai apprécié leurs différences de caractère qui ne les empêchaient pas de se trouver unis par un même rêve et de nouer une amitié durable. Il ressort des personnages un naturel et une humanité qui m'ont beaucoup plu. C'est aussi un des rares animes où on voit les personnages évoluer sur un laps de temps très long.
L'anime garde un certain rythme et maintient l'intérêt en raison des péripéties tout au long de l’œuvre, ainsi que d'une ellipse.
Comme l'évoquait Matchoss, l'anime traite du sujet des dictionnaires avec beaucoup de subtilité et de poésie et parvient habilement à en révéler le besoin et faire le lien avec la société moderne (tentant d'embellir par la même occasion leur image un peu austère).
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Ash!! » 18 Jan 2017 20:14

Je testerai par curiosité, la comparaison avec Shirobako ne m'avait pas rassuré puisque j'ai laissé tomber cette série après m'être forcé à finir 2 épisodes.
"Mais souvenez-vous que penser qu'une chose est juste ou non est totalement arbitraire. C'est votre vision des choses qui le définit. Dans l'univers il n'y a rien qui soit bon ou mauvais par nature." Bastard!!

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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Matchoss » 18 Jan 2017 21:59

Ash!! a écrit:Je testerai par curiosité, la comparaison avec Shirobako ne m'avait pas rassuré puisque j'ai laissé tomber cette série après m'être forcé à finir 2 épisodes.


Pour reprendre ce que disait Drizztou plus haut, le soucis de Shirobako, c'est qu'on ne s’intéresse pas au personnage. La série ne parle que de la création d'un anime. C'est Bakuman, sans les délires et avec un aspect comique plus faible.

Fune wo amu, ce n'est pas ça. On a des personnages avec une âme, pas de simples fonctions/outils pour présenter une histoire. Si je devais le rapprocher d'une oeuvre sur le thème de la vocation, j'évoquerais Le vent se lève. La différence, c'est que l'on suit un petit groupe de personnage qui travaille sur un projet commun. On a donc des vision un peu différentes du but commun. Je trouve que les deux personnages principaux de ces œuvres se ressemblent pas mal. Après, l'aviation et le Japon du début 20ème, ça fait quand même plus rêver que les dictionnaires et la société actuelle. Et un film, c'est pas construit comme une série.

Je ne peux que vous encourager à essayer. C'est un anime qui prend son temps. Il faut que j'attaque Rakugo pour savoir si c'était le meilleur anime tranche de vie de la saison ou non. Flying Witch, Euphonium et Amanchu étaient pas mal aussi, mais Fune wo amu m'a plus touché car plus adulte.
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar le gritche » 01 Avr 2017 11:00

Déplacement de mon avis sur le bon topic et désolé pour la redondance avec les autres commentaires. Ah, et je suis d'accord pour l'ellipse un peu perturbante.

Fune wo Amu est l'adaptation en 11 épisodes d'un best-seller japonais auparavant décliné en film. Le ton est celui de la tranche de vie principalement sur le lieu de travail, même si les personnages de Majime et Nishioka sont aussi développés en dehors de ce cadre. Les enjeux tournent autour de la réalisation du dictionnaire par une petite équipe soudée mais guère soutenue par son éditeur. Chaque épisode contient un encart où de petites mascottes évoquent un trait particulier des dictionnaires, de façon très simple et kawaii.

J'ai assez bien aimé cette "traversée", bien que je l'ai trouvé peu ambitieuse: on pouvait agrémenter le sujet par d'autres approches, en s'intéressant aux destinataires futurs du dictionnaire ou aux vertus d'une compilation de mots effectuée à l'ancienne par rapport aux encyclopédies collaboratives, par exemple. Fune wo Amu n'a pas cherché à aborder l'utilité même d'un nouveau dictionnaire papier, même si l'on comprend bien qu'ils ont tous leur personnalité, peut-être pour ne pas gâcher l'ambiance avec des contradicteurs cyniques ou désabusés. On parle après tout d'objets un peu cultes et solitaires par essence, qui ne sont pas faits pour être lus comme du Prévert, quoique je ne sais pas l'utilisation que peuvent en avoir les japonais, tant leur langue implique une mémorisation énorme de signes ?

On s'intéresse vite fait à la création physique du Great Passage (je ne connais pas le nom choisi par le traducteur FR) et à son confort d'utilisation, tout comme on voit les personnages travailler sur des fiches, raturer, réécrire: j'ai bien aimé cet aspect concret, et le sentiment accru d'aboutissement qu'il confère.

L'anime transmet surtout le dévouement du personnel attaché au projet (cf. le vieil homme) et l'ampleur du sacerdoce qui ne finit jamais vraiment, le langage évoluant en permanence. Il propose sa philosophie du dictionnaire, peut-être de façon consensuelle mais agréable. On apprécie les personnages, les musiques, et même cette lenteur qui nous prive certes d'un anime plus dense, plus "rempli", mais demeure appropriée au sujet.

Créer un dictionnaire me parait toujours un défi assez dingue, et je me demande quel genre d'esprit peut passer toute la journée à établir et hiérarchiser des définitions, sinon un otaku des mots comme Majime.
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Urgoz » 02 Avr 2017 09:06

le sujet ne paie pas de mine aux premiers abords, mais je me laisserais bien tenter ! :)
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Tagazok » 24 Juin 2017 16:24

J'ai a-do-ré !

C'est clair qu'au début on se demande bien dans quel anime on se lance ... la création d'un dictionnaire, je me suis jamais posée de questions sur le sujet et je ne sais pas si irl la conception ressemble à ce qui est décrit d'ailleurs.
Et puis rapidement on est happé en même temps que Majime qui trouve enfin sa place dans ce nouveau travail. Ici pas de fioriture dans l'histoire, dans la conception des personnages mais beaucoup de simplicité ce qui en fait des personnages très attachants et qu'on a envie de voir évoluer dans leur création commune. L'attachement aux mots, aux termes, au définition est vu avec une certaine poésie sans trop en faire encore une fois.
L’ellipse ne m'a pas dérangé parce que si effectivement il faut autant de temps pour créer le dictionnaire, on allait pas les suivre chaque jour. Le début et la fin de l'aventure sont tout à fait symbolique pour la construction du dictionnaire.

Effectivement, le côté enfantin du milieu d'épisode est trèèèèès bizarre et casse un peu l'ambiance, ce qui est fort dommage vu comme la série est soignée.

Bref, un anime vers lequel on irait pas spontanément mais qui raconte une belle histoire sur un projet commun qui permet l'accouchement d'une oeuvre plus grande que les personnages eux-mêmes.

HS : sur la page http://www.animeka.com/animes/detail/th ... ssage.html il n'y a pas de lien vers la discussion du forum ;)
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Jad » 27 Juil 2017 17:53

Je viens de terminer la serie egalement. J'ai du mal a exprimer ce que j'en ai pensé bizarrement.

Effectivement le sujet parait austere de prime abord mais contre toute attente ce sont les aspects et discussions autour du dictionnaire qui m'ont le plus interessé. La/les significations des mots, leurs nuances, leur utilisation (j'ai bien aimé la discussion sur le mot "chien": le meilleur ami de l'homme, qui ne nous donne que de l'amour, pourtant toutes les expressions l'impliquant ont une connotation negative! C'est d'ailleurs souvent et dans pas mal de pays l'une des pires insultes), le role que peut avoir un dictionnaire (sur lequel je n'avais jamais reflechi...), etc. Ca demande par contre une trad de qualité car certaines nuances ne doivent pas etre evidentes à traduire du japonais. Je crois d'ailleurs que la trad que j'avais n'etait pas vraiment la meilleure qui soit. J'aurais par contre aimé qu'ils nous en disent un peu plus sur pourquoi ils creent ce nouveau dictionnaire et ce qu'il aurait de differents avec les 3 autres existants, tout en nous presentant rapidement les specificités des 3 autres.

Finalement ce sur quoi j'ai eu le plus de mal, de maniere assez surprenante, sont les personnages. Je ne m'y suis pas attaché. Pourtant ils sont traites avec simplicité (voire avec pudeur souvent), maturité, ce qui aurait du me plaire. Mais je les ai trouves trop lisses, surtout le heros inhibé, introverti, et sans arret prostré. Ils ne degagent que tres peu d'emotions (on en revient à la pudeur). Au final le personnage que j'ai le plus aimé est Nishinoyia, perso que j'ai trouvé le plus intéressant et le plus nuancé. Pourtant c'est en general le type de perso que je n'aime pas trop dans les series... Bizarre je vous dis...

La fin, elle, est tres touchante et a répondu à une question que je me suis posée des le debut de la serie quand on a appris qu'il faudrait 10 ans pour terminer le dico. La serie y repond de maniere sobre et touchante, sans exces. Elle repond egalement à une seconde question que je me posais sur Nishinoyia apres l'ellipse (qui nem'a pas vraiment gené), puisqu'on le voit moins à ce moment la et certains aspects sont volontairement cachés (je pense) pour jouer sur l'ambiguite.

Malgré mes reserves, j'ai passé un bon moment sur la serie, meme si je place qd meme Rakugo un bon cran au dessus (surtout sur sa saison 1).

Par contre je suis d'accord sur l'opening, le ton est totalement decalé par rapport à la serie, bizarre comme choix! Les interludes m'ont moins dérangé, mais en meme temps je n'écoutais pas vraiment à ce moment là ^^
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Kenji Shinoda » 13 Jan 2019 21:35

Il est de cette classe d'animés qui dépassent leurs propres récits pour offrir au spectateur une clé nouvelle dans la compréhension de la culture nippone, et à cet égard Fume Wo Amu en est une excellente illustration puisqu'on s'enfonce avec cette œuvre un peu plus loin dans l'exploration de la langue et quoi de mieux qu'au travers de la confection d'un dictionnaire, sujet inédit s'il en est qui plaira assurément aux amoureux des mots et de la sémantique.

L'accent est avant tout ici mis sur le processus de fabrication relayant au second plan les rapports des personnages, qui s'inscrivent essentiellement dans le cadre professionnel. Et l'une des forces de cet animé réside dans le fait qu'on retrouve cette hiérarchie des sujets également chez les personnages qui s'effacent, aussi bien au sens propre que figuré, au profit l'entreprise collective. En effet cette mise en résonance renforce cette idée d'abnégation et de don de soi pour une cause commune et qui transcende. C'est habilement fait.
Dans le même ordre d'idée, j'apprécie la manière avec laquelle la simplicité de l'histoire contraste avec l'importance de l'enjeu de cette entreprise qui nous ait régulièrement dépeinte par le vieux mentor au fil des épisodes à renfort de métaphores filées.
Et en terme de contraste, Fume Wo Amu n'en fait pas économie et on pourrait presque affirmer que l’œuvre repose sur ça :
- la difficulté (voire l'incapacité) de Majime (le personnage principal) à formuler ses sentiments malgré son érudition des mots
- l'amitié qui lie Majime et Nishioka dont les personnalités s'opposent et se complémentent
- la salle de travail de l'équipe, calme et isolée du reste du bâtiment d'édition constamment en ébullition.
- le décalage entre le rythme très entraînant de la chanson du générique d'ouverture avec la narration lente de l'histoire. Décalage qui pour le coup m'a paru saugrenu et que je n'ai pas compris en ce qui me concerne.

En parlant de narration lente, contrairement à ce qui peut être indiqué, Fume Wo Amu n'est pas un tranche de vie au sens commun car malgré les ellipses qui peuvent survenir d'un chapitre à l'autre, les épisodes ne sont pas pour autant indépendants puisqu'ils retracent la progression étape par étape du dictionnaire. D'ailleurs, en s'arrêtant sur ce point, on constate que cette échelle de temps, c'est celle des mots : semblant figés sur l'instant, ils révèlent en réalité leur dynamique dans la durée...la longue durée.
Et c'est là que l'aspect auquel j'ai été le plus sensible prend tout son sens, cette poésie de la contemplation, du temps qui passe, épouse le sujet avec pertinence mettant ainsi en exergue toute la beauté du projet dans une perspective de transmission d'un héritage.

À cette poésie de la temporalité vient tout naturellement s'additionner une poésie de l'espace, et plus particulièrement de cette pièce présentée au départ comme une espèce de débarras oublié au sous-sol de cette maison d'édition et qui finit par revêtir au fil de cette aventure sémantico-éditoriale une dimension de refuge pour ces croisés des mots. En effet, je trouve que l'animé réussit avec justesse à faire surgir de ce lieu de travail une atmosphère intimiste, chaleureuse et hors du temps (on a là encore l'évocation d'un temps suspendu) : l'impression que celle d'avoir eu le privilège d'avoir été introduit au sein d'un atelier où ce sont ici de véritables artisans travaillant le mot comme matière première qui opèrent.

Naturellement, comme dans tout artisanat, la fabrication de ce dictionnaire est vécu par ces artisans comme une passion avec la conviction d'accomplir un acte doublement teinté d'altruisme. Dans un premier temps, comme ne cesse de le répéter le vieux mentor Matsumoto, il considère leur œuvre comme un appui, mieux, comme un compagnon venant au secours des gens tout au long de leur vie afin que ceux-ci trouvent le moyen de délivrer leurs sentiments qu'il n'auraient su exprimer et ainsi se comprendre avec leurs semblables. D'autre part, l'équipe a conscience qu'à l'instant où leur dictionnaire sera achevé celui-ci leur sera dépossédé pour être transmis en héritage à leurs contemporains mais aussi au générations qui leurs succéderont.
Preuve encore, si besoin en est, de la profonde réflexion autour de ce qu'implique une telle entreprise malgré le ton peut-être naïf de cet animé.

Un aspect discret de la série que j'ai relevé et auquel j'ai été sensible a été la vision dynamique et populaire, presque organique, accordée au mot, conforme à l'approche linguistique : c'est dans la rue que le mot naît (c'est ce qui explique que Majime soit toujours muni d'un carnet lorsqu'il sort, ceci afin de saisir la moindre nouveauté), il arrive à maturité une fois reconnu, son utilisation varie dans le temps, il peut même donner naissance à d'autres mots de la même famille, et dans certain cas il décline, tombe en désuétude et finit par disparaître. Conscient de cela, l'animé le rappelle à plusieurs reprises.
Malgré ça, je regrette que les passages de réflexion autour d'une définition soient si rares, car je trouvais ces moments de dialogue toujours stimulants pour le spectateur que j'étais.

Pour continuer avec ce qui m'a déplu, la difficulté de Majime à interagir avec les autres, bien qu'elle soit utilisée ici pour servir le propos du récit, rend malheureusement cet archétype caricaturale. Une faute de dosage à mes yeux.

Comme je l'évoquais au début, Fume Wo Amu donne au profane les premiers indices de ce qui, étonnamment, confère à chaque dictionnaire sa personnalité propre, et ceci de manière considérablement plus marquée que nos dictionnaires. Ceci est totalement inhérent à ce qui fait la subtilité et l'originalité de la langue japonaise.
Et pour mieux s'en rendre compte, et également dans un souci de prolonger l’œuvre, voici quelques extraits d'articles indispensables qui soulignent bien l'importance et la spécificité des dictionnaires japonais ainsi que leur fonctionnement :
-
Spoiler sur le rapport des japonais au dictionnaire :
Les enseignants de français langue étrangère s’accordent pour remarquer une grande fréquence d’utilisation du dictionnaire chez leurs apprenants japonais. Alors que leurs professeurs français cherchent à instaurer une plus grande communication dans la classe, force est de constater que leurs élèves japonais usent et « abusent » à la moindre occasion du dictionnaire, freinant ou rompant de ce fait les échanges. Plusieurs facteurs éclairent cet usage intensif :
– Tout d’abord, si les apprenants affirment fréquemment, dans les entretiens, que « le japonais est une langue sans grammaire », son apprentissage n’en demande pas moins de remarquables efforts aux enfants car, pour apprendre leur langue maternelle, ils doivent fournir un gros travail de mémoire : l’assimilation des 2 000 caractères chinois de base leur permet de pouvoir lire des textes courants et les prépare à l’examen qui équivaut au baccalauréat. Or il y a une moyenne de trois lectures possibles pour les 2 000 kanji dont on doit aussi mémoriser la graphie et l’ordre des traits. Il faut également apprendre leur signification avec une phrase d’explication. Il y a autant de phrases que de significations (mots contenant le kanji étudié) ! Le dictionnaire, dans ce contexte, est ouvert quotidiennement, sans doute très fréquemment. L’élève japonais l’utilise depuis sa plus tendre enfance. Son apprentissage commence, d’ailleurs, systématiquement à l’école primaire, « au moment de l’apprentissage des caractères chinois, vers six ou sept ans. Il s’agit de trouver les caractères ou les mots nouveaux qui apparaissent dans le manuel de japonais, de copier l’article et d’apprendre à préparer ainsi le cours » Ce témoignage d’une enseignante japonaise, outre le fait qu’il renseigne sur la manière dont on travaille à la maison, indique que le dictionnaire joue un rôle de référence important à l’école. Le consulter est plutôt bien vu et encouragé, d’autant que les Japonais travaillent avec deux types de dictionnaires : ceux de langue et ceux de caractères.
– Par ailleurs, les caractéristiques de sa langue rendent l’apprenant japonais très sensible à la recherche des nuances :
◦une particule placée à la fin d’un énoncé peut en modifier partiellement ou totalement le sens ce qui oblige à lire ou à écouter toute la phrase pour accéder au sens avec certitude;
◦l’aspect temporel ainsi que les indications d’affirmation ou de négation sont à la fin;
◦les notions de nombre (singulier ou pluriel) ne sont pas indiquées dans la phrase, elles dépendent du contexte.
Aussi, même si l’apprenant comprend les mots clés d’une phrase, y a-t-il fort à parier qu’il voudra rechercher la signification exacte de chacun de ses composants par peur de passer à côté d’un élément capital pour sa compréhension.

L'utilisation du dictionnaire en classe de FLE : les japonais de Florence Coubard et Anne Pauzet

- Les différents systèmes de classement des kanji dans un dictionnaire
- Un bref historique des systèmes d'écriture du japonais
- Un autre bref historique des systèmes d'écriture du japonais

Pour conclure simplement, je dirais de Fume Wo Amu que c'est un animé qui pourra laisser indifférent si l'on passe à coté de sa valeur poétique et informative.
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Gally » 21 Jan 2019 18:58

J'ai enchaîné les épisodes. Ça fait du bien de voir autre chose que des lycéens ^^. Ici les personnages sont intéressants. Ils ont une vie en dehors du travail et ça évolue bien. Tout comme la confection du dictionnaire que j'aurais bien voulu avoir dans les mains à la fin.
J'avais du mal avec majime au début. Trop sur la réserve puis après le retour de la fameuse lettre et sa promotion je l'ai trouvé plus sûr de lui. Le vieux sage reste mon personnage préféré. Il dégage une zenitude qui inspire et son amour des mots n'est pas en reste. Nishiyoka est le personnage grande gueule mais bosseur. Et la mamie qui joue les entremetteuses..
L'histoire est douce, fluide et même si il ne se passe rien de transcendant en 11 ep suivre cette équipe soudée et passionnée ainsi que leur vie privée pour certains ont suffit de rendre cette série intéressante à regarder.
L'op comme vous m'a surprise et jusqu'au 7 épisodes je n'en avais pas la traduction. Ben mm si le rythme de la chanson est speed comparé au ton de l'anime, les paroles collent bien.
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Re: Fune wo amu / The Great Passage

Messagepar Kenji Shinoda » 01 Fév 2019 02:55

le gritche a écrit:L'anime transmet surtout [...] l'ampleur du sacerdoce
Probablement le maître mot de cette œuvre qui à lui seul résume l'animé: Fume Wo Amu, c'est l'histoire d'un sacerdoce".
Notion éminemment centrale donc, sur laquelle je n’ai pas su mettre de mot mais que j'ai essayé tant bien que mal de décrire:
Kenji a écrit:...les personnages qui s'effacent [...] au profit l'entreprise collective. En effet cette mise en résonance renforce cette idée d'abnégation et de don de soi pour une cause commune et qui transcende.

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