Gao Gao a écrit:Encore une fois, quel corps dans la mutilation, quels sentiments dans le stress, quelles émotions dans l'oppression? Quelle nécessité des expériences négatives dans la «réalité»?
La réalité, c'est aussi l'imagination, la visualisation, le rêve (y compris lucide, avec toutes nos sensations, et le même sentiment de conscience), les oeuvres d'art, et les réalités virtuelles et les jeux vidéo (y compris en immersion vraiment complète, dans le futur, je suppose, et j'espère). T'as pas besoin d'expérimenter un problème dans la «réalité commune actuelle», pour ressentir tous ses éléments significatifs. Et t'as même pas besoin de l'expérimenter vraiment, pour le comprendre intellectuellement, avec des mots précis, réfléchis, raisonnés, et analysés, qui évoquent des idées précises.
En premier lieu, les expériences négatives sont absolument nécessaires dans le processus d'apprentissage humain. Le proverbial "on apprend de ses erreurs" possède une très grande portée, à titre individuel comme à titre collectif. Je ne vais pas m'étendre là-dessus.
Vouloir combattre les problèmes rencontrés par tout un chacun est une chose, croire que l'on pourra éradiquer tous ces problème est une illusion. Je m'explique : pour que c'est problèmes disparaissent, ils faudra savoir les traiter ; aussi chaque conflit humain est différent par les circonstances sans cesse changeantes. Il faut donc qu'une partie de la population sache traiter ces problèmes - en gros c'est le rôle de nos assistantes sociales, psychologues, proches, etc - et donc ils auront dû les expérimenter et comprendre leurs enjeux. Et ça on ne l'apprend pas en jouant aux Sims, mais par la mise en situation réelle.
Par ailleurs, tu as tenu à plusieurs reprises des propos assez simplistes qui sont :
Gao Gao a écrit:Mais surtout, bien plus globalement, même pas besoin vraiment d'expérience, quand quelqu'un a déjà expérimenté, et a pleinement réfléchi, raisonné, et analysé ces problèmes, a synthétisé tout ça, et l'a présenté publiquement (ensuite on rassemble tout ça dans une encyclopédie complète des connaissances, et voilà le principal outils de connaissance dans une meilleure société...). Ça nous apporte déjà la plupart des éléments pour renforcer, par opposition, notre conscience du bonheur (sachant bien entendu que le principal élément de conscience, c'est la connaissance positive, bien précise, et ça aussi on peut beaucoup synthétiser et présenter publiquement).
Il s'agit là rien de moins qu'un affront à la pensée raisonnée et à la démarche scientifique. Pour te donner un exemple exagéré : pourquoi est-il généralement admis que les dinosaures ont existé alors que ce n'est pas le cas des dragons des légendes médiévales ? Tout simplement parce qu'on dispose de preuves qui peuvent être vérifiées par tous. C'est la condition sine qua none de la crédibilité de tes propos. De la même façon, une expérience ne peut être valable que si elle est reproductible, et ce autant de fois qu'on le jugera nécessaire. Ce n'est pas pas parce qu'on te dit qu'un glaçon flotte sur l'eau mais bien parce que tu peux à tout moment le vérifier que c'est bien le cas.
Cela me fait penser au cycle de Fondation de l'illustre Isaac Asimov. La société décrite périclite à cause du mode de pensée que tu chéris tant. Les gens y finissent par argumenter leurs propos en se basant sur les oeuvres des grands maîtres morts depuis des siècles, sans prendre la peine d'effectuer eux-même des recherches et des expérimentations qui sont largement à leur portée.
Et puis pour finir, un petit aparté sur les "mots" car tu sembles croire qu'il est possible de prendre conscience de tout phénomène uniquement par sa description détaillée ("Et t'as même pas besoin de l'expérimenter vraiment, pour le comprendre intellectuellement, avec des mots précis, réfléchis, raisonnés, et analysés, qui évoquent des idées précises."). Eh bien justement, non, les mots ne suffisent pas. Pour faire court, un mot c'est une sorte d'étiquette, sa fonction première est la catégorisation. Si bien que leur utilisation va forcément occulter un aspect même mineur de ce que tu souhaites décrire.