Yoshihiro Tatsumi est né le 10 juin 1935 dans la même région que Tezuka. C'est pourquoi lorsqu'il commença son métier de mangaka il alla voir Tezuka pour en apprendre plus. Sa première oeuvre, Kodomojima (L'île des enfants), est publiée en 1953 par Tsuru Shobo
Le tournant de sa carrière est l'année 1957, où il décida de créer un nouveau genre, s'opposant à l'optimisme que l'on peut trouver chez Tezuka. Il se lance dans la psychologie noire du Japon, créant le terme de gekiga. Il ouvre l'Atelier du gekiga avec six autres artistes, dont Saito Takao et Sato Massaki.
Ses mangas sont publiés en feuilleton dans divers magazines, principalement des hebdomadaires, jusqu'en 1984. Il ralentit ensuite son activité. Sa dernière oeuvre, Gekiga Hyoryû (Un rescapé du gekiga) est autobiographique. Elle est publiée depuis 1995 dans le magazine Mandarake Zenbu.
L'enfer :
Cornelius a écrit:À ceux qui lui reprochaient certains de ses personnages, Balzac répondait : ''Ces êtres vulgaires m'intéressent plus qu'ils ne vous intéressent ; je les grandis, je les idéalise en sens inverse, dans leur laideur ou leur bêtise. Je donne à leurs difformités des proportions effrayantes ou grotesques.'' Tatsumi décrit, lui aussi, les infirmités du corps et de l'âme, la peur et la laideur humaine. Employés, ouvriers, étudiants ou putains, ses personnages mènent des vies machinales, tourmentés par les frustrations sexuelles et sociales, hantés par l'angoisse existentielle.
C'est le drame quotidien et banal de ces marginaux que raconte la comédie humaine de Tatsumi. Le Japon contemporain rassemble tous les cercles de l'Enfer. Hommes et femmes y tournent en rond, vaincus et fatigués, désespérés et solitaires. Plus grande est la foule, plus grande est la solitude.
S'il ne cède jamais au sentimentalisme, Tatsumi démontre une empathie profonde pour les égarés et les perdants que la société abandonne dans son sillage. ''Nos aînés, écrit-il, nous avaient enseigné que la bd était comique. Il s'agissait de faire rire les lecteurs. Nous ne voulions plus de cela.'' Difficile pourtant de ne pas rire parfois à ses histoires, pour se libérer d'une poigne qui vous prend à la gorge et ne vous lâche pas avant longtemps...
Cet un manga qui me touche encore, pour moi l'un des meilleurs du genre. Ce recueil de nouvelles gekiga vous laisse un gout amer dans la bouche, qui à la fois est très bon. Pourquoi ? On découvre pages après pages une vision du Japon assez pessimiste, mais au vu du contexte (après guerre et donc après Hiroshima) réaliste. On se plonge dans les diverses histoires pour découvrir le côté le plus noir de l'être humain. Un régal.
Si vous voulez découvrir les origines du manga, celui-ci est donc à avoir chez soit. Et si en plus vous devenez amateur du genre, il existe beaucoup de très bons gekigas.
Paru chez Cornelius en 2008, environ 25€.
