The Empire of Corpses

Project Itoh, auteur très prometteur de science-fiction au Japon, est mort en 2009 en laissant son troisième roman The Empire of Corpses inachevé. Toh Enjoe participe à la conclusion de ce récit, et le studio Wit produit l'adaptation de ce roman, diffusée en France en catimini dans les salles obscures, le DVD est désormais sorti. Le récit lui est indisponible en français, et apparemment en anglais aussi. Le film l'Empire des cadavres suscite donc un intérêt mitigé, mélangeant curiosité et peur de la dégringolade sur une pente bien trop glissante.
Ce film apparaît d'abord comme relevant du genre steampunk, d'un style plutôt dynamique, sans retrouver le kitsch très fréquent dans ce genre. S'imaginer dans l'empire britannique de la reine Victoria, en plein essor industriel, c'est être à la frontière de la science-fiction de Jules Verne et de la nostalgie de cette période de l'époque contemporaine qui précède la Première Guerre Mondiale. Dans le film d'animation, le steampunk produit souvent des véritables délices comme le tout récent Alice et le monde truqué, le film pour enfant paru l'année dernière Budori, l'étrange voyage, ou tout simplement une grande part de la filmographie d'Hayao Miyazaki.
Si vous êtes surpris de voir le thème des morts-vivants et de la nécromancie dans cet univers de rationalité, et que vous vous dites que c'est encore la propension japonaise au mélange des genres qui est en action, rappelez-vous que le Frankenstein de Mary Shelley est vraiment une œuvre typiquement ancrée dans le XIX siècle. L'histoire du savant fou est bien réelle dans ce film, et le retour à la vie a été industrialisé. L'intégration de cette hypothèse dans le développement économique mondiale du siècle de la vapeur produit un résultat réaliste saisissant. Ce réalisme est sûrement présent car ce steampunk très vernien est accompagné de politique internationale, transformant une simple enquête en véritable récit d'espionnage digne d'un James Bond qu'aurait écrit un Ian Fleming quelques dizaines d'années avant sa naissance. Et c'est poussé par ce contexte technique au service sa Majesté que se développe des thèmes qu'on voit d'habitude dans le cyberpunk (Ghost in the Shell pour faire simple et parler au spectateur d'animation).
Je trouve ce film un vrai petit bijou. Techniquement c'est plutôt de bonne facture, et la densité graphique est plutôt époustouflante, nous en mettant plein les yeux, mais de ce côté j'ai surtout eu l'impression d'un travail bien fait. Se placer si à cette hauteur au point qu'on désire le petit plus pour que cela soit exceptionnel, c'est déjà pas mal, non ?
Mais c'est surtout au niveau de l'histoire, de l'univers et des clins d’œil et références incessants qu'on pourrait passer des heures à discuter. Un exemple parmi tant d'autres, est celui des guerres menées par des cadavres. User de main d’œuvre corvéable, surtout pour la guerre, le principe n'est pas novateur, ce n'est au départ qu'une note en bas de page, un élément du décor. Or une scène où on assiste à un combat est plutôt poignante. Nous sommes d'abord mis mal à l'aise face à un combat entre zombies, mais c'est surtout le dialogue en réaction à cette scène qui est intéressant. Les combattants sont de vrais robots, aux capacités bien déterminées, l'issue du combat est déterminée à l'avance, et donc à quoi bon de mener le combat, il suffit d'aligner ses capacités, et puis c'est tout. Face à une telle réflexion, on rétorquerait par exemple que le génie du général tacticien compte avant-tout. Mais ici non, c'est juste la nature de l'homme qui est brandit comme explication.