Les Enfants du Temps

Les Enfants du Temps

Messagepar Kenji Shinoda » 17 Jan 2020 13:47



Histoire
Makoto Shinkai poursuit ici son étude sur les thèmes de la séparation et de l’amour impossible (entre autres).

Si les protagonistes, une nouvelle fois de jeunes adolescents (soupirs de lassitudes), ont peu d’épaisseur, 5 cm.s−1 nous avait démontré par le passé que cela n’était pas une condition nécessaire pour atteindre les sentiments du spectateur : l’universalité et la force du sujet suffisent.
Spoiler :
Toutefois, lorsque survint la disparition de Hina, je n’ai pas vu en moi se refléter le déchirement tant éprouvé par Hodaka à la séparation de sa bien-aimée (relativement de courte durée d'ailleurs). Pas même face à sa détermination impétueuse lorsque celui-ci s’emploie à surmonter les obstacles qui le séparent de la jeune fille. Pourquoi ?
Est-ce parce qu’au fil de l’histoire, on sentait poindre une conclusion heureuse ? Est-ce que cela vient de ma propre lassitude vis-à-vis des amourettes lycéennes banales ? Peut-être, ai-je trop été marqué par la maturité de ton de 5 cm.s−1 et Garden of Words et de leurs conclusions cathartiques ? Catharsis d'ailleurs absente à mes yeux malgré les épreuves endurées par les héros.
Je continue de m'interroger et je me rends compte également que dans le même temps j'avais, dans une moindre mesure, ce sentiment déjà avec Your Name et Voyage vers Agartha : serait-ce dû à l'insertion du fantastique au récit ? En effet, j'ai cette impression que l'intervention d'élément surnaturel dans la résolution, presque simpliste, de l'intrigue ôte à cette relation toute sa profondeur, sa gravité. L'air de dire « il n'y a pas de quoi s'en faire, la magie est là pour rattraper les vicissitudes de l'amour ».

Tout ceci a au final marqué le film par l'absence d'une fin doux-amer, qui a précédemment fait la force de Shinkai, je parlerai même d'une signature. Ceci étant, c'est ici un regret particulièrement subjectif, je le reconnais. En effet, dans ces précédentes œuvres, ces fins au mélange doux-amer donc, étaient à mes yeux l'apothéose d'une certaine poésie mélancolique qui s'en exhalé et que je n'ai malheureusement (pour moi) pas retrouvé ici. C'est l'impression que c'était ce but qui était encore une fois recherché en tout cas.


Narration
S'il y a rupture au niveau de l'histoire, l'efficacité de la narration, elle, est de nouveau au rendez-vous grâce un rythme et un découpage qui sont parvenus malgré tout à tenir mon intérêt toujours éveillé (succession d'asyndète temporelle et de moments vécus à vitesse réelle)
À ça j'ai également trouvé que les situations comiques étaient bien amenées et surtout correctement dosées au cours du film.
Petit bémol, la raison de sa fugue reste assez évasive et l'évocation fugace de son passé familial n’est en fin de compte qu’une fausse piste car elle n’aboutit à aucun développement (à moins d'être passé à côté d'une subtilité, auquel cas merci de m'éclairer).

Graphisme
Visuellement que dire si ce n’est que c’est du pur Makoto Shinkai : comme à son habitude, le réalisateur japonais nous fait profiter de son génie pour les couleurs avec une très riche palette pour apporter toute les nuances nécessaires.
De même, on retrouve à nouveau des traits de personnages, toujours aussi sommaires, avec des visages assez quelconques, qui contrastent étonnamment avec le réalisme et l’abondance de détails des lieux. Mais ces visages « effacés » ne seraient-il pas une manière d’affirmer la prééminence des relations nouées sur des personnages apparaissant dès lors secondaires, servant tout juste de réceptacle aux sentiments de cette romance ?
Enfin, je garde également une réserve car je ne comprends pas toujours le recours à la CGI à certains endroits, d’autant que la dissonance engendrée dénotait avec ce feu d’artifice de nuances chromatiques et avait tendance à m’extirper du tableau.

Musique
J’ai apprécié l’idée d’utiliser des chansons pour faire la transition entre les différentes parties du récit.
Les morceaux sont sur le ton du film. Sans être mauvais, je ne les ai pas trouvés particulièrement marquants.



Avis Global
En résumé, Les Enfants du Temps a été pour moi une relative déception du fait du traitement assez superficiel dans la construction des sentiments liant les personnages principaux. Je ne m’y suis pas ennuyé, seulement je restais continuellement dans une forme d’attente, attente de cet élément de cristallisation bouleversant mais qui n’est jamais arrivé.
Ce soir-là, les spectateurs de la salle de cinéma n’était constituée que de trentenaires et vingtenaires comme moi.
Makoto Shinkaï a-t-il voulu mettre davantage l’accent sur l’action au dépend d’une attention portée sur les cœurs plus superficielle, ceci afin de s’adresser à un public encore plus jeune ?

Liens
Quelques entretiens instructifs avec le réalisateur au sujet de son film :

Entrevue de Gong ( avec une petite révélation)
Questions/Réponses au Grand Rex (halte pauvre naïf! les réponses dévoilent l’intrigue)


Modifié en dernier par Kenji Shinoda le 20 Jan 2020 14:02, modifié 1 fois.
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar le gritche » 17 Jan 2020 20:03

Merci pour cette fiche ! J'aime bien tes remarques sur la narration ou le pourquoi des visages sommaires, entre autres remarques. Je rapatrie mon commentaire du thread cinéma:

Le style narratif et sentimental de Makoto Shinkai me touche assez peu, mais j'apprécie beaucoup les qualités visuelles de son travail. Les plans de Tokyo sous la pluie ou magnifiquement éclairé suivant les configuration temporelle et météo sont très belles
Spoiler sur :
et c'est remarquable de nous avoir imposé un temps pluvieux quasi-continuel.

D'autres effets visuels sont puissants, contrastant comme souvent avec des chara-design simples et utilitaires.
La romance en elle-même, hors éléments fantastiques, est l'élément (le plus) faible de cette histoire, qui autrement propose des développements intéressants pour ses personnages et un Tokyo ambivalent voire intimidant (on ne reviendra pas sur les parents emmenant leurs bambins voir les films d'animation sans réfléchir).

Spoiler sur :
Je ne m'attendais pas à ce que la météo détraquée soit vraiment un thème phare: lier les sentiments des gens à celle-ci revient un peu à parler de "la pluie et du beau temps", même quand on surmonte le cliché pluie = tristesse, ce qui n'est pas des plus excitant. On ne peut pas passer à côté l'ignorance complète du mot écologie dans cette histoire de changement climatique, même glissée rapidos. On nous rappelle au contraire doctement que Tokyo avait connu une configuration identique il y a des siècles, une mise en perspective qui serait intéressante si elle n'évoquait pas les arguments relativistes des climato-sceptiques. Certes, l'origine de cette pluie est magique et le Japon ferait de gros efforts de recyclage malgré son gout du suremballage, mais j'ai trouvé qu'il y avait une occasion manquée qui aurait correspondu avec la représentation de Tokyo.

L'usage tonitruant des chansons, faisant saturer les enceintes du ciné, ne m'a guère plu mais le film délivre d'autres coups d'éclats, en rendant ses persos très proactifs voire borderline. Malgré des exagérations de circonstance, on sent ces derniers encrés dans le monde réel et c'est sympa: je manque d'anime créant les mêmes sensations. Toutes les qualités des Enfants du temps sont hélas limitées par une structure convenue qui même sans être étouffante (il faut un bon moment avant que les persos ne se rencontrent tous) limite un peu la portée de l'histoire.

J'ai le vague souvenir d'avoir plus apprécié Your name, mais je ne peux pas dire si les deux œuvres se ressemblent autant que certains l'on clamé. De l'eau a coulé sous les ponts si vous me permettez !

Kenji Shinoda a écrit:
Spoiler sur :
Tout ceci a au final marqué le film par l'absence d'une fin doux-amer, qui a précédemment fait la force de Shinkai, je parlerai même d'une signature. Ceci étant, c'est ici un regret particulièrement subjectif, je le reconnais. En effet, dans ces précédentes œuvres, ces fins au mélange doux-amer donc, étaient à mes yeux l'apothéose d'une certaine poésie mélancolique qui s'en exhalé et que je n'ai malheureusement (pour moi) pas retrouvé ici.


Spoiler sur :
A la rigueur, on peut se dire que le retour de la pluie éternelle et les changements irréversibles qu'elle cause dans le paysage auquel les gens doivent s'adapter peut s'apparenter à du bittersweet comme dit mon pote JCVD. En tout cas, ces éléments m'empêchent de considérer cette fin comme un pur happy-ending, même s'il l'est pour les tourtereaux.
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar Matchoss » 17 Jan 2020 20:22

Je passe rapidement sur le topic, je ne lis rien, je n'ai pas encore vu le film. Est-ce que l'un de vous deux voudrais voir son avis en tant que critique sur la fiche du film?
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar le gritche » 18 Jan 2020 15:19

Matchoss a écrit:Je passe rapidement sur le topic, je ne lis rien, je n'ai pas encore vu le film. Est-ce que l'un de vous deux voudrais voir son avis en tant que critique sur la fiche du film?


Oui, l'avis de Kenji qui est structuré, mieux écrit et mis en regard avec le reste de la filmographie de Makoto Shinkai :)
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar Kenji Shinoda » 18 Jan 2020 18:29

le gritche a écrit:Les plans de Tokyo sous la pluie ou magnifiquement éclairé suivant les configuration temporelle et météo sont très belles et c'est remarquable de nous avoir imposé un temps pluvieux quasi-continuel.
Bien vu, et ceci, je pense, peut être imputable à sa volonté de nous montrer que la pluie est tout sauf un temps monotone mais qui bien au contraire offre une diversité de « visages » comme si l’on pouvait y lire des expressions ou des émotions qui se dessineraient au gré des jeux de lumière, de la mosaïque de couleurs et du son dont il a usés. (exemples : éclaircie=espoir/espièglerie/complicité, nuage sombre=tourment/colère, tempète=euphorie, nuage clair+pluie fine=sérénité/légèreté, cumulo-nimbus=émerveillement/vulnérabilité/humilité, etc…).
Maintenant que tu as relevé ça, je me rends compte que Garden of Words était également marqué par cet aspect même si on se concentrait plus sur la pluie en elle-même que le ciel.


le gritche a écrit:
Spoiler :
On ne peut pas passer à côté l'ignorance complète du mot écologie dans cette histoire de changement climatique, même glissée rapidos. On nous rappelle au contraire doctement que Tokyo avait connu une configuration identique il y a des siècles, une mise en perspective qui serait intéressante si elle n'évoquait pas les arguments relativistes des climato-sceptiques. [...] j'ai trouvé qu'il y avait une occasion manquée qui aurait correspondu avec la représentation de Tokyo.
Kenji Shinoda a écrit:Entrevue de Gong
...mate jusqu'à 4'15.


le gritche a écrit:J'ai le vague souvenir d'avoir plus apprécié Your name, mais je ne peux pas dire si les deux œuvres se ressemblent autant que certains l'on clamé
Kenji Shinoda a écrit:Questions/Réponses au Grand Rex
...mate:
- de 3'38 à 6'01
- de 12'47 à 15'28
- de 24'07 à 25'52
- à 46'24...


le gritche a écrit:L'usage tonitruant des chansons, faisant saturer les enceintes du ciné, ne m'a guère plu
J’ai carrément « sursauté !.... le dosage du volume à ce moment-là est vraiment incongru!



Matchoss a écrit:Est-ce que l'un de vous deux voudrais voir son avis en tant que critique sur la fiche du film?
De mon ancien poste de correcteur je me souviens que rien n'empêchait 2 critiques d'être publiées sur une même fiche... :P
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar Matchoss » 18 Jan 2020 20:03

Kenji Shinoda a écrit:
Matchoss a écrit:Est-ce que l'un de vous deux voudrais voir son avis en tant que critique sur la fiche du film?
De mon ancien poste de correcteur je me souviens que rien n'empêchait 2 critiques d'être publiées sur une même fiche... :P


Je confirme, c'est tout à fait envisageable voire encouragé pour donner des avis plus variés.
Mais, on ne force personne.
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar le gritche » 19 Jan 2020 17:23

Merci Kenji Shinoda pour les deux interviews que j'ai écoutées en entier du coup. Une petite arrière-pensée demeure quant à ce choix délibéré, mais je compatis avec Makoto Shinkai qui a surement dû répondre un paquet de fois sur le sujet.

Les gens qui grattent des dédicaces par contre, quelle misère.
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar Matchoss » 26 Jan 2020 11:17

Enfin vu les Enfants du Temps, du coup je donne mon avis en vrac. C'est aussi une légère déception pour moi. L'histoire est relativement simpliste, nous ne sommes jamais pris au dépourvu. Ce ne serait pas un soucis si l'on s'attardait un peu plus sur la relation des personnages ou développait les thèmes sur le climat.

Je n'ai vraiment pas réussi à trouver notre couple de héros touchants. Il leur manque cet alchimie que l'on retrouvait dans le autres films de Shinkai. En y réfléchissant, il n'y a pas beaucoup de scènes où l'on a que les deux protagonistes ensemble. Il y a bien souvent un autre personnage avec eux et du coup leur relation n'a pas l'air de se construire.

Ensuite sur le thème abordé de l'impact climatique sur nos quotidiens, je trouve cela un peu léger. La conclusion ressemble fortement à une résignation. On y peut rien, l'humanité a merdé. Il faut faire avec. Tant qu'on est avec ceux qu'on aime, c'est pas grave. Si seulement l'histoire reflétait un peu plus l'esprit de cette magnifique chanson. Là, au niveau émotion on serait au top. C'est ce qui manque le plus dans le film au final. Les seules moments où elles montent c'est sur les envolés musicales, mais c'est plutôt artificiel et ne repose que sur la mise en scène maitrisée de Shinkai.

Sinon, il faut le reconnaître, c'est beau. J'aime le travail sonore sur la pluie. L'humour fonctionne. Il y a de très bons persos secondaires qui sont plus captivants que nos héros (Natsumi et le petit frère). J'ai beaucoup aimé les passages sur les petits boulots de fille-soleil du trio. J'en aurais voulu plus.

Bref, c'est un beau film, mais il manque un couple de héros plus forts et intéressants qui nous fasse vibrer. Ils font pâles figures à côté de ceux de Your Name par exemple.
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar Sith » 29 Jan 2020 00:20

J'ai vraiment envie de voir ce film, je viens de voir qu'il se trouve dans un des cinés UGC de Bruxelles... j'y vais pas souvent, mais je pense faire une petite exception pour cela. Le visuel de l'affiche me plait énormément.

Edit: vu et j'ai bien aimé, même si j'ai pas trop compris le délire ^^.
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Re: Les Enfants du Temps

Messagepar Jad » 23 Mai 2021 07:55

Pas le meilleur Makoto Shinkai loin s'en faut. Pas un mauvais film non plus.
Mais ca manque de l'emotion dont l realisateur nous a habitue dans ces films, sans doute parceque comme mentionne plus haut la relation entre nos 2 heros n'est pas assez travaillee.
Visuellement ca reste vraiment sublime, rien a redire la dessus.
Le film ne marquera pas mon esprit mais est reste plaisant a regarder.
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