Gaston di NoNo a écrit:C'est pas parce que Miyazaki est devenu super connu qu'il faut cracher dessus...Ca m'énerve un peu ce genre de réaction élitiste...
Et moi ce qui a tendance à m'horripiler c'est les remarques qui jugent comme "élitiste" ou "pseudo-intellectuel" toutes les personnes/remarques qui donnent un avis éventuellement mitigé. Toutes les personnes qui critiquent Miyazaki ne sont pas nécessairement des intellos à lunettes qui se la jouent.

Tous les avis ne sont pas nécessairement repartis entre adeptes du consensus et intellos marginalo-originaux, y a aussi des gens qui RÉFLÉCHISSENT par eux même, et qui ont passé l'âge de se poser en s'opposant. (fascinant non ?)
Et donc, au risque de me répéter, oui, Miyazaki c'est bien, mais ça reste des films d'animation pour enfants la plupart du temps, ça reste une recherche graphique (au demeurant très bonne !) qui ne s'inscrit guère qu'au niveau du background (au niveau de la stylistique pure, Miyazaki c'est aussi recherché que Disney), et ça manque quasi complètement d'une réflexion de fond élaborée. (save the world, make it a better place... Si on va par là, Dragon Ball est au bouddhisme ce que Miyazaki est à l'écologie orientale... Ya les idées générales sans aucun développement derrière)
Ca ne veut pas dire que c'est nul, loin de là. M'enfin difficilement comparable à des trucs comme Cowboy Bebop (la série of course) ou Ghost in the Shell (les films), tant au niveau de la musique que de la réflexion, de la profondeur des personnages ou de l'intelligence du scénario. (les personnages dans Miyazaki sont pour le moins simplistes : non, il ne suffit pas d'éviter la caricature et le stéréotype pour faire un personnage intéressant)
Il y a une recherche graphique certaine, il y a une capacité à raconter des légendes et des belles histoires, mais au-delà de ça, il n'y a rien.
Ca ne veut pas dire qu'on ne peut pas aimer. (des goûts et des couleurs hein...) On peut très bien mettre le film de Cowboy Bebop en tête de liste par exemple (alors qu'il est nettement moins bon que la série, scénaristiquement parlant). Le tout est de savoir pour quelle raison on le fait.
J'adore Mai Otome positivement, c'est peut-être ma série préférée, mais c'est pas demain que je la mettrais en tête de liste nulle part. (elle est, dans mon classement, loin derrière un paquet de films ou de série d'animations qui à mon sens sont plus travaillés et plus intelligents, et dont je n'ai pourtant jamais appris les chansons ou importé les t-shirts du japon pour autant. :] )
Bref, je fais un inventaire des qualités objectives (vous pouvez aussi me rétorquer que "tout est subjectif de toutes façons", auquel cas nous serons effectivement fondamentalement en désaccord :} ), ou plutôt objectives en vertu d'un certain "consensus" (en ce qu'il est partiellement partageable) de qualité artistique (dont je peux faire le détail, je l'ai d'ailleurs plus ou moins déjà fait). Tout du moins j'essaye. En ce sens il peut y avoir un dialogue différent de "enfoirée d'élitiste" / "connard de paysan" / "moi j'aime" / "c'nomal t'es moche, moi j'aime pas", qui devient vite lassant...
Et dans l'inventaire de ces qualités, je constate que tous les films de Miyazaki que j'ai vu ont des qualités et des défauts, et que le total donne un film intéressant, mais loin d'être exceptionnel dans beaucoup de domaines.
"Il ne faut pas faire, il faut faire en sorte qu'il se puisse faire." (je ne sais plus qui a dit ça... Picasso peut être ?) C'est un problème assez courant (chez les mauvais auteurs de jeux vidéo par exemple), qui ne comprennent pas que pour atteindre un but, il faut non pas le placarder, mais l'inscrire dans une logique, dans une temporalité, dans une matrice. Un personnage en colère, ça n'a pas d'intérêt si derrière il ne se déroule pas toute une trame psychologique, contenue dans sa parole, et saisisable. Un personnage qui est en colère parce que le réalisateur a décidé qu'il était en colère, ça ne développe rien, ça ne veut rien dire.
Quand la copie de machin dit à la fin de Slayers "pourquoi ai-je échoué ? Est-ce parce qu'une copie n'est fondamentalement rien de plus qu'une copie ?", c'est cent fois plus touchant, intelligent et puissant que Ashitaka qui n'est pas content parce que toucher à l'équilibre naturel, c'est clairement pas une bonne chose. Et pourtant, Slayers, ça vaut pas un cachou comparé à Mononoké, hein... Simplement en une phrase, on peut saisir une pensée entière faite de dizaine de raisonnements et de sensations, une contradiction, une motivation... Parce que cette phrase est entièrement portée par des sentiments, et ne peut pas exister sans ces sentiments. Donc on peut les deviner, par déduction logique (ou plus simplement par ressenti). De la même manière, quand Asuka dit, à la fin de End of Evangelion, "I feel terrible.", ça ne vole pas haut, ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais ça en dit cent fois plus long sur son caractère, ses contradictions, son humeur... Que 99% (et je n'enlève 1% que parce que ma mémoire et mon cerveau sont loins d'être infaillibles) des phrases de Mononoke. Ces phrases donnent une existence aux personnages. Les rendent vivants.
Ce que je reproche à Miyazaki, entre autres, c'est de ne savoir faire que des personnages qui sont dépourvus d'existence parce que mus par des concepts simples, sans contradictions, sans vérité propre. Juste des poupées portant des concepts, sans les rattacher à aucune émotion, à aucune humanité. Ashitaka aime, ashitaka rit, ashitaka pleure, ashitaka est incertain, ashitaka réfléchit... Tous les personnages de Miyazaki ne ressentent qu'une sensation à la fois, ne sont jamais tiraillés fondamentalement, ne produisent jamais aucune action complexe. Ce sont des légendes, des Ulysses ou des Pénélopes, des personnages pour enfant, des énoncés mathématiques sans mystère aucun. Des éléments du décor.
Je ne suis pas bornée, et je serais au contraire ravie qu'on m'indique dans Miyazaki (si possible un que j'ai vu : Mononoke Hime ou Nausicaa) un personnage, une phrase, qui donne de la profondeur et de la saveur à l'affaire. Je me ferais un plaisir de reregarder le film avec ceci en tête, et de voir si effectivement, j'ai raté dans Miyazaki ce qui méritait d'être vu en terme d'intelligence des personnages. Si il y a une phrase dans Miyazaki qui en dit aussi long sur un personnage que cette fameuse phrase de Slayers (pour reprendre l'exemple), je serais ravie de la connaître.
Quand Faye Valentine regarde la vidéo prise avant l'explosion de la terre, assise sur son lit, elle ne dit pas un mot, et pourtant il s'établit dans la pièce une ambiance terrible, quelque chose de très éloquent à plein de niveaux, qui vient enrichir le personnage, lui rajouter une touche de différence, complexifier son histoire, ses sentiments...
Y a-t-il un seul moment d'une telle richesse dans Miyazaki ? Un moment où les personnages soient mus par une volonté propre, un ressenti propre, un vécu propre - et le montrent au spectateur (pas nécessairement - au contraire - à ses contemporains de papier)... et pas déplacés comme des pièces de jeu d'échec par le Destin, le Réalisteur, la Nature ou je ne sais quel métaconcept qui dispense son créateur du moindre effort et cache derrière un réalisme apparent une construction sociale/relationnelle/humaine fictionnelle, enfantine ou dépourvu de tout travail. (Ce dont David [et Leigh] Eddings se moque élégament dans la Belgariade, par exemple, oeuvre de SF reposant entièrement sur la finesse de ses personnages (sans aller jusqu'à dire qu'ils sont extraordinaires, il faut bien reconnaître le talent qu'a Eddings de créer des personnages intéressants), où le monde est manipulé par un Destin qui parle et pense, et dont les personnages s'affranchissent mentalement et physiquement si bien qu'il perd toute métainfluence en gagnant celle de tout protagoniste classique)
J'ai été touchée par Mononoké comme personnage, il a une saveur, il a un embryon d'intérêt. Sa relation avec Ashitaka a elle aussi un embryon d'intérêt.
Comparer un héros comme Shinji, monstrueux de complexité, de contradictions, de sentiments convergents, divergents ou explosifs, avec un héros comme Ashitaka, simple instrument du Destin sans agitation aucune, c'est un peu de la blague. (de ce côté, Hanno fait dans Evangelion ce que Eddings fait dans la belgariade : une intégration de l'instrumentalisation éliminant tout destin ou métainfluence de la série)
Miyazaki le fait aussi, mais uniquement sur le personnage de Mononoke. Mononoke est l'Instrument des Dieux : ce faisant, elle gagne sur Ashitaka une légère profondeur de personnage, venant du fait que l'instrumentalisation est reconnue par le personnage et par le scénario, permettant un éventuel affranchissement et donc une rupture / une opposition / une contradiction. (ce qui est une des thématique de Mononoké) Ca reste très embryonnaire et on en a vite fait le tour, à mon sens.
Bref : dire "Miyazaki, ça ne me touche pas", ça me prendrait une ligne, et l'intérêt serait néant. Je préfère dire, "Miyazaki, ça ne me touche pas, en voici les raisons à mon sens, et dans quelle mesure on peut les qualifier d'objectives et de subjectives : à vous de me convaincre du contraire, de me montrer ce qu'il y a de beau dans Miyazaki".
Mais un éloge intelligent et argumenté de Miyazaki, je n'en ai pas encore vu. Je serais pourtant la première ravie de me laisser convaincre.